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« Comprendre la douleur des autres c’est être pour la légalisation du cannabis pour un usage médical »- interview d’Albert Estrada

« Comprendre la douleur des autres c’est être pour la légalisation du cannabis pour un usage médical »- interview d’Albert Estrada

Pour: Laura Rueda Médical

Albert Estrada est amateur de jeux de rôle, genre dans lequel il a publié Le secret des Nimblekins.Mais en plus, il est spécialisé en Biochimie Clinique. Cependant, il pratique à titre professionnel la cryoconservation et l’endocannabinologie, en effet, c’est un des rares spécialistes en médecine cannabique dans notre pays. Sur YesWeSkunk, on en a profité pour discuter avec lui, à l’occasion de la récente publication de son passionnant livre, Le médecin du cannabis(Éditoriale El Angel). Reste là pour en savoir plus!

« Comprendre la douleur des autres c’est être pour la légalisation du cannabis pour un usage médical »- interview d’Albert Estrada

Laura Rueda: Le cannabis est une tendance mondiale, cependant, tu es considéré comme l’un des rares spécialistes de la médecine cannabique dans notre pays. Où est-ce que tu penses qu’en est l’Espagne dans ce domaine?

Albert Estrada: Ça dépend. Au niveau de la recherche, je crois que l’Espagne peut se considérer à la pointe sur la scène mondiale, grâce au travail de scientifiques comme le Dr. Guzmán, de la Dr. Sánchez et de l’effort d’organismes comme la Société Espagnole de Recherche sur les Cannabinoïdes. À un autre niveau, en considérant la classe politique que l’on a choisi pour nous représenter et les garanties juridiques qu’offrent nos tribunaux, capables de se prononcer aujourd’hui sur quelque chose et de le démentir demain en faveur des banques, je crois que l’Espagne se trouve à l’endroit qui lui correspond: à la traine en Europe et dans le monde. Au niveau de la prise en charge des patients, grâce à la professionnalité et au dévouement de beaucoup de professionnels sanitaires courageux et aussi du travail des organisations de patients et usagers du cannabis, et bien, l’Espagne va mieux qu’on pourrait l’espérer compte tenu des circonstances auxquelles elle doit faire face. Une bonne partie de l’aide sur le cannabis que reçoivent les patients leur est fournie par le personnel sanitaire qui les prend en charge habituellement et non pas par un spécialiste, si je peux me considérer ainsi.

Laura Rueda: Tu viens de publier Le médecin du cannabis, un livre qui raconte ton expérience de traiter des malades avec la plante. Qu’est-ce que le lecteur peut trouver dans ce livre? Qu’est-ce que tu peux nous en dire?

Albert Estrada : Bon, le livre est construit sur un ton colloquial et de conversation. D’ailleurs, il provient d’une série d’interviews et j’y décris ce que je pourrais expliquer à n’importe quel patient qui viendrait à mon cabinet à la recherche d’un conseil professionnel. J’en ai également profité pour partager quelques réflexions très personnelles, qui ne sont pas forcément justes, sur comment fonctionne ce monde, ce qui, je crois, rajoute quelque chose au livre. Ce n’est pas un texte aseptisé comme d’autres livres qui parlent de cannabis médicinal mais je crois que cela est positif, pas négatif.

Je crois aussi que la partie des témoignages est très intéressante: des patients qui racontent leur expérience et pour qui le lecteur peut avoir de l’empathie grâce au fait de se sentir plus proche. Très souvent, on laisse de côté l’aspect humain et je crois que, même si c’est brièvement, le livre en dresse un tableau intéressant.

Laura Rueda: Pour qui n’a jamais entendu parler d’elle, qu’est-ce que la endocannabinologie?

Albert Estrada: J’adore que tu emploiesce terme car je crois qu’il met en valeur une spécialité médicale pour l’instant naissante qui repose sur l’étude du système endocannabinoïde et par extension des médicaments et substances avec lesquelles il est capable d’interagir. De la même manière qu’il n’y a pas d' »aspirinologues », mais des cardiologues et des neurologues, dans le monde du cannabis médicinal on a intérêt à abandonner la proéminence de la substance, du cannabis en soi, et nous centrer sur la physiologie humaine sur laquelle il agit; ceci est le vrai domaine médical à développer. Le terme a été inventé par ma bonne amie, la Dr. Raquel Peyraube et j’espère qu’il atteindra bientôt la diffusion qu’il mérite.

Laura Rueda: Tu es spécialiste en Biochimie Clinique. Comment est-ce que tu es entrée en contact avec le cannabis? Et qu’est-ce qui a fait que tu décides de te spécialiser en médicine cannabique?

Albert Estrada: Et bien à cause des coupures de budget, dans le système sanitaire, que l’on est en train de souffrir et qu’ils ont catapulté notre prise en charge médicale d’une des premières positions du monde à des rangs plus éloignés. Ça a été un peu par hasard; une connaissance m’a demandé de l’aide pour offrir des conseils médicaux dans son club de fumeurs, aussi bien aux usagers thérapeutiques qu’aux usagers ludiques en matière de réduction de risques et c’est là que tout a commencé. Je me suis toujours considéré comme un scientifique et le cannabis dispose d’une garantie plus que suffisante pour ce qui est de l’évidence clinique, de sorte que je n’ai pas douté un seul instant sur le rôle que je devais adopter, même si personnellement je n’ai aucune relation avec la plante. Comme je l’avoue au début du livre, moi je ne l’ai jamais consommée.

Laura Rueda- Il est démontré que le cannabis est indiqué dans beaucoup de cas médicaux même si tu as aussi fait remarquer dans certaines interviews que dans d’autres cas ce n’est pas la meilleure alternative. Est-ce qu’il continue d’y avoir un manque de connaissances sur la plante et ses propriétés thérapeutiques?

Albert Estrada: Absolument, mais de la même manière que je ne sais pas quelle est la meilleure prothèse de hanche que l’on devrait mettre à un patient donné ou le meilleur traitement disponible pour tel type de cancer ou ne parlons pas de comment réparer le moteur d’une voiture. En tant que médecin, on se voit obligés à se spécialiser et à se surspécialiser mais c’est impossible que l’on sache tout. À ce sujet, ce dont on a besoin, ce n’est pas tant augmenter les connaissances de la communauté sanitaire sur l’endocannabinologie (ce qui ne fait jamais de mal, c’est vrai aussi) mais plutôt former des spécialistes dans ce domaine pour couvrir les demandes qui existent. De la même façon, plus les gens savent, mieux c’est, même si ce n’est pas indispensable, pour ça on a les médecins. Beaucoup de patients ne savent pas que certains médicaments qu’ils prennent sont analogues à l’héroïne et sincèrement ils n’en ont pas besoin. Malheureusement, face à l’idée romantique qui existe, le savoir, lui, a sa place et il est impossible aujourd’hui de tout savoir sur tout. Les seuls qui devraient un peu mieux s’informer avant de prendre des décisions, ce sont les politiciens… ou au moins déléguer cette prise de décisions à ceux qui en savent davantage sur ce que, eux-mêmes, ne dominent pas.

Laura Rueda- Tu crois qu’on est en train de perdre du temps en retardant sa légalisation complète? Tu crois l’Espagne capable de suivre de près la tendance mondiale et de règlementer bientôt le cannabis?

Albert Estrada: Je crois que l’on est en train de perdre des choses plus précieuses que le temps et pourtant on dit que le temps vaut de l’or. Je crois que l’on est en train de perdre la possibilité d’améliorer la santé d’énormément de patients et la santé est plus précieuse que tout l’or du monde. Je sens que l’Espagne obéira aux consignes de l’Europe et des États-Unis, comme elle l’a presque toujours fait et qu’elle légalisera le cannabis lorsque ces superpuissances considèreront qu’elles peuvent en tirer des bénéfices. C’est clair que nos gouvernements ont des préoccupations beaucoup plus urgentes que de défendre ses citoyens. Ce qui me surprend un peu plus, c’est qu’aux votants, ça leur est égal mais en fin de compte c’est leur décision et c’est eux qui en souffrent les conséquences.

Laura Rueda: À l’encontre de ce que tout le monde pense du cannabis, tu mets en avant ses propriétés comme neuroprotecteur. Parles-en-nous davantage.

Albert Estrada: Comme disait Paracelso, tout est poison selon la dose. Le cannabis peut provoquer des problèmes de mémoire mais certains de ses composants, en particulier le CBD, bien dosés et sous la forme adéquate, ont un effet neuroprotecteur sans égal. C’est équivalent et synergique à l’hypothermie et c’est ce qui explique que la plante soit utilisée dans le cas de maladies neurologiques comme l’épilepsie, la sclérose en plaque, Parkinson, Alzheimer, etc. Le THC a aussi démontré un effet neuroprotecteur à faibles doses. Et, à mesure que l’on approfondit la connaissance du système cannabinoïde endogène, de nouvelles portes s’ouvriront en matière de neuroprotection. Les études que l’on est en train de faire avec des petits cochons montrent que le CBD est efficace pour atténuer les nuisances causées par l’insulte hypoxique et arrive à fournir un créneau thérapeutique de six heures post-ischémie. Ça ne veut évidemment pas dire qu’en fumant du haschisch tu vas devenir plus intelligent.

Laura Rueda: On aimerait bien que tu partages avec nos lecteurs quelque anecdote survenue avec tes patients qui apparait dans ton livre.

Albert Estrada: Et bien je ne me souvienspas si ça apparaît dans le livre ou non mais une fois on a aidé un patient à vaporiser pour voir si une douleur articulaire très intense dont il souffrait dans les mains disparaissait. La douleur ne s’apaisait pas et le patient a commencé à se sentir un peu étourdi alors on a décidé de sortir du club de fumeurs pour qu’il prenne l’air. Juste quand on est arrivé de l’autre coté de la rue, il a commencé à devenir pâle (un épisode d’hypotension orthostatique) et on s’est vu entourés de gens qui, avec toute leur bonne volonté, en voyant un homme âgé qui était en train de s’évanouir, insistaient pour qu’on appelle une ambulance. À vrai dire, j’ai passé un mauvais moment en train d’essayer d’expliquer à la foule que ce n’était pas la peine. Finalement, je l’ai accompagné en taxi chez lui où il s’est complètement récupéré grâce à la bonne soupe que lui prépara sa femme. Tous les deux l’ont vécu de manière naturelle et sans aucun problème, mais moi j’ai vraiment passé un sale moment, non pas à cause du risque vital qui évidemment n’existait pas mais pour l’inquiétude provoquée par la foule de curieux.

Laura Rueda: Dans un des chapitres, tu poses une question très intéressante qui a à voir avec le fait que, comme par hasard, beaucoup de collectifs qui se rassemblent pour planter du cannabis et l’utiliser comme traitement, sont entièrement composés de femmes. Coïncidence? Quelle relation est-ce que tu crois qu’a la femme avec cette plante aux grands bénéfices?

Albert Estrada: C’est vrai que c’est une pure spéculation mais j’ai l’impression que l’homme a toujours occupé les institutions et le pouvoir public ordinaire et les femmes ont dû chercher des alternatives de deuxième ordre où elles ne dérangent pas et ne remettent pas en question le domaine réservé aux hommes. Je crois que cela fait qu’elles soient plus ouvertes aux alternatives non officielles. Pour cette raison et pour la vocation à prendre soin qu’elles ont toujours eu, je ne vais pas discuter si pour raisons génétiques, culturelles ou pour une combinaisons des deux. Je crois qu’avoir de l’empathie pour la douleur des autres est quelque chose de profondément ancré chez les femmes que les politiciens ignorent presque et cela explique le rôle des unes et celui des autres dans ce conflit. Comprendre la douleur des autres, c’est être pour la légalisation du cannabis pour un usage médical.

Laura Rueda: Comme il y a une grande méconnaissance, j’aimerais que tu expliques brièvement à nos lecteurs quel serait le protocole extra-officiel qu’ils auraient à suivre s’ils veulent suivre un traitement au cannabis.

Albert Estrada: Ce que je leur dis toujours, c’est que le plus important est l’approvisionnement du produit. Pas seulement en trouver mais qu’il soit de bonne qualité. S’il n’y a pas de produit, le conseil du médecin ne sert presque à rien, alors mon conseil principal est d’aller à un club de fumeurs de confiance ou à des associations de patients comme Aflora, Dosemociones, etc. Il existe aussi des cliniques spécialisées comme Medcan ou Kalapa, etc. De nos jours avec internet, tout est à portée de main, il suffit de demander à Google. Ensuite, il nous reste plus qu’à essayer pour trouver ce qui marche sur chacun.

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